Située aux portes de Paris, la cité Villette fonctionne en autarcie du reste de la ville. Pourtant, cet ensemble de logements sur dalle classé au patrimoine culturel de Seine-Saint-Denis se trouve au carrefour de trois territoires importants: Aubervilliers, une des villes de l'EPT de Plaine Commune, Pantin se rattachant à l'EPT d'Est Ensemble et le XIXème arrondissement de Paris. Cette situation fait de la cité Villette un lieu aux enjeux urbains multiples et à la gestion complexe.
L'hégémonie des Grands Ensembles
Massivement érigés lors de la crise du logement qui a suivi la seconde guerre mondiale, les grands ensembles se sont imposés en France comme la principale réponse architecturale à la reconstruction puis au logement de la main d’œuvre étrangère appelée par le gouvernement. Ils représentaient alors, à la foi la modernité et une aspiration à des conditions de vie décentes.
Durant cette période de prospérité des trente glorieuses et avec ce contexte de table rase, les architectes et urbanistes issus du mouvement moderne s’opposent à la ville traditionnelle et proposent une utopie de ville sur la ville: c’est la naissance de l’urbanisme sur dalle. Traduction architecturale de l’avènement de l’automobile, les grands ensembles et l’urbanisme sur dalle vont profondément modifier la morphologie des villes en faisant le choix de l’urbanisme vertical et de la superposition des fonctions.
Remise en question et abandon
Ce n’est que dans les années 70-80 que les grands ensembles sont remis en question : les classes moyennes qui  n’étaient là qu’en raison de la pénurie de logements furent petit à petit remplacés par des populations très populaires, touchés dès les années 1970 par la désindustrialisation et le chômage. Le grand-ensemble devient un lieu d’exclusion sociale et spatiale, occupé par ceux qui n’avaient pas la possibilité de se loger ailleurs. Au cours des décennies qui ont suivi ces opérations ce système va progressivement s’essouffler, manifestant ainsi une obsolescence formelle et fonctionnelle.
Le cas de la cité Villette
La cité villette propose un exemple caractéristique de cet urbanisme. Ancien territoire agricole composé de champs, d’élevages et de fermes et bordé d’îlots insalubres ouvriers, ce site fonctionnait  en lien avec les abattoirs de la porte de la Villette et les marchés aux bestiaux situés entre la rue de Flandre et la route d’Allemagne (aujourd’hui, avenue Jean-Jaurès).
C’est en 1958 que les premières tours sortent de terre. C’est l’architecte Raymond Lopez qui était en charge de l’opération jusqu’à sa mort en 1966. Michel Holley, qui a notamment réalisé avec lui le front de Seine dans le 15ème arrondissement de Paris ou encore la dalle des Olympiades, reprendra la suite  du chantier et construira bien plus de tours que prévue (20 au lieu des 12 prévues dans le projet initial), notamment la tour Villette, plus haut immeuble d’Aubervilliers.
Cet ensemble regroupe 1 200 logements pour environ 3 000 habitants. Les logements sont répartis dans vingt tours ayant entre six et dix-huit étages et une barre de quatre étages. Les bâtiments sont groupés autour de deux dalles: La dalle Villette regroupant douze tours et la dalle Félix-Faure en comptant neuf. La cité Villette est gérée par l’OPH d’Aubervilliers, chargé de la gestion du logement social dans la ville.
Depuis son inauguration en 1974, la cité Villette n’a pas encore été rénovée et présente des traces d’usures et de vieillissement importants.
DIAGNOSTIC:
Des rez-de-chaussée Inhabités
Selon une observation menée le 10 octobre 2021, sur les 5 hectares de la cité, moins de 10% des rez-de-chaussée sont ouverts sur l’extérieur. Cela confère aux dalles un sentiment de no man’s land à certaines heures de la journée. Les commerces initialement installés sur les dalles ont presque tous fermé.
Un sol impraticable
Selon nos observations et nos recherches, les dallages et revêtements ont été collés à même la structure de la dalle ce qui le rend entièrement imperméable. De plus, de nombreux revêtements en béton ou en dallage de pierre s’écaillent ou même se décrochent, rendant ainsi très compliqué son parcours. Cette usure et la mise en œuvre des installations apporte un défaut d’étanchéité impactant les espaces en sous-face.
Sous le bitume, la terre !
Selon nos observations et une études des plans des parkings, nous avons pu comprendre que certains terrains en pleine terre étaient intégralement couverte par du bitûme (voir zone recouverte sur le plan ci-dessous). Nous pensons que lorsqu’il y a si peu d’espace en pleine terre sur un site, il faut les préserver et en tirer tous leurs avantages.
L’intersectionnalité: une clé de lecture du territoire
La relation entre inégalités et espace urbain est une dynamique intéressante à analyser. Tout d’abord, la rue est trop souvent un lieu où les inégalités de genres et les violences sexistes s’exercent : sifflements, agressions verbales et physique, viols... Dans le quartier Villette-Quatre Chemins comme dans nombres de quartiers populaires, la rue est principalement occupée par des hommes. Les terrasses de café, les pieds des immeubles, les bancs publics, etc.  Mais si l’on dénonce les inégalités de genre dans l’occupation de l’espace public, il faut impérativement s’intéresser aux raisons qui poussent ces hommes à occuper ainsi la rue.
En effet, les quartiers plus privilégiés ne sont en aucun cas exemptés des inégalités de genres, elles sont peut-être simplement moins visibles dans l’espace public. Claire Hancock l’explique : 
« Si on souhaite vraiment analyser la dimension genrée des usages de l’espace public, alors il faudrait en outre poser la question des causes de l’immobilité relative des jeunes gens et des hommes de ces quartiers, assignés à l’espace de la proximité par leur situation de sous-emploi, le manque d’accès à d’autres espaces de sociabilité, et les violences auxquelles ils sont exposés hors de leur quartier. » (« La ville, les espaces publics... et les femmes »*
En effet, les personnes les plus précaires font souvent de la rue un lieu de vie et de sociabilité, par manque d’espace dans le logement pour le faire. Parfois, des situations de précarité encore plus forte les contraignent à y vivre et à y dormir.
D’autres facteurs spatiaux contribuent à un déséquilibre entre hommes et femmes. L’espace public est souvent conçu et réfléchi par des hommes et pour des hommes sans prendre en compte ces inégalités de genre. Cette conception genrée de la ville contribue à définir et à transformer les relations qui s’y déploient. Il a été prouvé que les femmes et les hommes ne se déplacent pas de la même manière en ville. Ils n’utilisent pas les mêmes lieux publics et ne sont pas exposés aux mêmes difficultés dans l’espace public.
Le quartier Villette - Quatre et l’espace public des dalles Villette et Felix Faure illustre ce phénomène: les trottoirs sont trop étroits et mal entretenus pour passer avec des caddies ou des poussettes, les rues sont mal éclairées donc insécurisantes, peu d’espaces   d’assises sont mis en place rendant difficile la surveillance des enfants, l’accompagnement des personnes agés (taches réalisées  dans 75% des cas par des femmes)...
Néanmoins, l’argumentaire qui prétend que les quartiers populaires (où des hommes sont présents dans l’espace public) sont des lieux plus dangereux pour les femmes est à reconsidérer:
« Depuis les premières enquêtes sur les violences faites aux femmes, on sait que c’est le domicile, les espaces privés, ou les lieux de travail ou d’éducation, qui sont ceux où s’exerce le plus de violence à l’encontre des femmes et des minorités sexuelles, et ces violences sont souvent le fait de personnes connues, conjoint ou ex-conjoint, membre du cercle familial ou amical, employeur, collègue… En d’autres termes, ce ne sont pas les espaces publics, contre lesquels on les met pourtant constamment en garde tout au long de leur socialisation, qui sont objectivement les plus dangereux pour les femmes. De même, ce ne sont pas les hommes les plus présents et visibles dans les espaces publics, surtout ceux des classes populaires, qui représentent le plus grave danger pour elles. »*
* Les Cahiers du Développement Social Urbain, vol. 67, no. 1, 2018, pp. 11-13.) 
Le NPNRU Villette - Quatre Chemins
Ce programme prévoit la transformation profonde de plus de 450 quartiers prioritaires de la ville en intervenant sur l’habitat et les équipements publics, avec comme objectif de favoriser la mixité sociale sur ces territoires.
Le quartier Villette Quatre Chemins est donc lui aussi concerné par ce NPNRU. Les Établissements Publics Territoriaux (Est Ensemble et Plaine Commune) coordonnent le NPNRU en co-pilotage avec les Villes de Pantin et d'Aubervilliers. L'ANRU subventionne une partie du projet, et l'autre partie est prise en charge principalement par les collectivités (Plaine Commune, Est Ensemble, Pantin, Aubervilliers) et les bailleurs. L'ANRU à avancé plusieurs objectifs concernant le secteur des dalles Villette et Félix Faure : Réaménager les espaces extérieurs tel que les cheminements piétons, les squares et les espaces végétalisés. Mais aussi une volonté de conforter les commerces qui fonctionnent bien et étudier le devenir des locaux d'activités inutilisés. L’ANRU prévoit aussi une amélioration des immeubles de logements sociaux (ex : parties communes, locaux poubelles).
Mixité sociale ou gentrification?
Ce programme a pour volonté de créer une mixité sociale dans les quartiers politiques de la ville. Cela se manifeste souvent par la privatisation des logements et la construction d’habitats privés afin d’inviter une population plus riche dans le quartier. Hors, comme nous l’avons notifié précédemment, la part des logements sociaux dans le quartier Villette-Quatre Chemin est déjà insuffisante. Cela réduirait encore l’accès au logement pour les populations les plus précaires.
Une tentative de co-conception peu convaincante
En effet, l’ANRU met en avant le caractère participatif de ce programme  « Le NPNRU encourage la participation active des habitants dans le projet de transformation de leur quartier, afin de valoriser leur expérience et de répondre au mieux à leurs attentes.»⁵
Néanmoins, d’après nos recherches, en 7 ans, une seule journée a été consacrée à recueillir les attentes des habitants et usagers des dalles Villette et Félix Faure le 13 octobre 2017. 
Première cartographie participative réalisé lors d'ateliers sur site avec les habitant.e.s regroupant et spatialisant toutes les notions évoquées.
Cette carte servira de base pour l'élaboration des ateliers thématiques suivants.
Espace(s) matériels et immatériels d’échanges et d’organisations populaires
Le contexte urbain et social particulier de la cité Villette nous a semblé accentuer la nécessité de proposer un projet d’urbanisme sensé, pensé avec les habitants et usagers du site.
Dans ce but nous avons mis en place des espaces physiques, «matériels», des lieux nous permettant de nous retrouver pour réfléchir ensemble à l’urbain et à l’espace. Ils pouvaient prendre des formes multiples: un local associatif, un pied d’immeuble où nous installions une tables et quelques chaises ou encore l’école lors de nos présentations... Nous permettant ainsi de concevoir ensemble un autre espace: celui de la dalle et changeant ainsi son statue d’espace de passage en espace d’usage.
Mais nous avons très vite souhaité questionner également une autre forme spatiale, que nous avons qualifié d’«immatériels»: ce sont ces temps d’échanges, ces discussions, cet apprentissage réciproque entre connaissance technique et maitrise d’usage. Ces espaces éphémères et impalpables font pourtant partie intégrante de notre travail et nous n’avons eu de cesse que de chercher à les transmettre et à les partager afin que cette richesse ne disparaisse pas.
Ces deux «espaces-temps» ont été nécessaires et indispensables à la constitution de ce travail, c’est pourquoi nous avons souhaité qu’ils constituent le titre de ce PFE.​​​​​​​
Ateliers participatifs
atelier introductif / NPNRU
Les objectifs de ce premier atelier étaient multiples. Il s’agissait, dans un premier temps, de présenter notre travail aux habitants présents lors de cette réunion. Nous avions au préalable communiqué sur la tenue de cet atelier via des groupes Facebook du quartier, de visu et grâce à des affichages dans les halls d’immeubles.
La suite de l’atelier visait à donner des clés de lectures aux habitants d’un plan architectural en vue de la publication du NPNRU pour la cité. Nous souhaitions également leur permettre de comprendre les enjeux de ce programme et ses limites.
Atelier inégalités et espace public
Pour ce second atelier et  suite à une impossibilité de continuer les ateliers dans les locaux de l'omja nous avons commencé à organiser des ateliers dans l'espace public.
Cet atelier traitait de la question des inégalités dans la ville. Partant du constat que diverse inégalités s’exerçaient sur ce territoire et après avoir développé la notion d’intersectionnalité nous avons choisi d’en débattre avec les habitants, de comprendre s’il étaient conscients du lien entre dominations et urbain et de comprendre leur ressenti dans l’espace public...
Ainsi, après un bref exposé de notions clés tel que celle du genre, les habitantes ont pointé les lieux du quartier qu'elles fréquentaient ou non et ceux qu’elles aimeraient fréquenter et pourquoi. Les lieux étaient repérés à l'aide de pastilles colorées sur une maquette (figure 32).
Il est particulièrement ressorti que le rond-point de la porte de La Villette ainsi que la sortie du métro Villette-Quatre chemins étaient des lieux hostiles pour elles par rapport à des agressions qu’elles ont subi ou dont elles ont entendu parlé. Les dalles sont des espaces où elles se sentent globalement bien, particulièrement la dalle Félix Faure qui est ressenti comme plus calme et plus sécurisante. Au cours de nos échanges nous comprenons que ce ressenti est dû à une plus grande visibilité créer par des espaces publics plus large.
Atelier suggestions d'aménagement
Afin d'entrer plus en détail sur l’espace des dalles, ce troisième atelier a été l’occasion de réfléchir collectivement à des propositions spatiales qui pourraient améliorer la cité. Nous avons tout d’abord travaillé sur calques (annexe 6) afin de redéfinir ensemble les circulations au sein de la cité. Ce questionnement nous a mener à aborder la question de la démolition des tours: les habitants   ne se montraient pas hostiles au projet de démolition et considéraient que c’était nécessaire pour dé-densifier l’espace. Nous avons ainsi décidé collectivement d'un projet de démolition de la tour 21 et 23 sur la dalle villette.
Nous avons également défini les espaces qui nécessitaient une requalification soit pour ouvrir la cité sur son environnement proche soit pour renforcer les espaces présent à l’intérieur de la cité. Ce travail a mené au dessin d’un plan qui a servit de base aux propositions spatiales que nous avons élaborées par la suite.
Depuis 2014, un projet d'aménagement de la cité est en train d'être discuté entre la mairie d'Aubervilliers et l'ANRU. Ces deux acteurs mettent en avant le caractère participatif de ce programme: "La participation des habitants à l'élaboration du projet urbain de leur quartier est l'une des nouveautés marquantes de ce programme de rénovation". Mais d'après nos recherches, en 7 ans, une seule journée a été consacrée à recueillir les attentes des habitants et usagers du quartier le 13 octobre 2017. 
Depuis, des nouvelles constructions privées sortent de terre tout autour des deux dalles mais aucunes informations sur le devenir de la cité ne sont diffusées. Alors les rumeurs fusent:
- "La tour 19 va être détruite !", 
- "Moi, on m'a dit que ça serait la 23", 
- "Ici ils veulent faire une école !", 
-"Mais non ca sera un supermarché.". 
Les habitants comprennent que des transformations de leur lieu de vie s'opèrent mais qu'ils n'ont pas leurs mots à dire. C'est pourquoi nous avons choisi de faire le pont entre les usagers et les institutions et de tenter de porter leurs paroles afin qu'elle soit prise en compte dans ce projet de rénovation.
Bla bla bla ateliers participatifs avec les habitants...